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22 août 2012 3 22 /08 /août /2012 07:32

Des chiffres et des lettres

  En 1989, je rentre en force chez Denoël : trois livres coup sur coup. « Et Rose elle a vécu », d’abord, puis, l’année suivante, « Amazonie-sur-Seine » et « Le Corridor » — chacun sous un nom différent.

         Quelle étrange lubie, me direz-vous. Ne serait-ce pas une forme de sabordage ? Sans aucun doute, mais je n’y suis pour rien. C’est le résultat d’un malencontreux concours de circonstances, doublé de mon incapacité à taper du poing sur la table...

         Après la parution de mon premier roman, signé Gudule, Jacques Chambon, directeur de la collection « Présence du fantastique » me fait la morale. Ce pseudo ridicule risque de nuire à ma carrière, affirme-t-il. Si je veux que « Le Corridor » ait un minimum de succès, il lui faut un vrai nom d’auteur. Après moult discussions, nous optons pour Anne Duguël, qui, tout en étant un anagramme de Gudule, a un petit côté celte bien adapté au fantastique.

          Cette décision prise, reste à savoir comment je dois signer « Amazonie-sur-Seine ». L’éditrice de littérature générale  fait chorus avec Jacques, les représentants également.  Devant le nombre, je m’incline. Exit Gudule, je serai désormais Anne Duguël à temps plein— dans mes livres pour adultes, du moins.

         Et c’est là que les choses se corsent. Amazonie sort sous le nom de... Anne Guduel.

         D’où est venue l’erreur ? D’une incompréhension (voire d’un désaccord) entre les deux directeurs de collection ? D’une interprétation erronée de l’éditrice ? De l’incompétence du maquettiste ? Je ne le saurai jamais, tout le monde se rejette la faute.

         Hors de moi, je proteste : on ne peut pas laisser ça comme ça, il faut refaire la couverture ! Par la voie hiérarchique, mes desiderata remontent jusqu’au PDG qui refuse tout net. Ça coûterait trop cher. Pas question qu’on pilonne trois mille exemplaires  pour les beaux yeux d’une inconnue ; les livres seront vendus tels quel, un point c’est tout.

         — Si vous le souhaitez, il est encore temps de mettre le même nom sur le « Corridor » qui vient de partir à l’imprimerie, concède-t-il cependant. Duguël ou Guduel, qu’est-ce que ça change pour vous ? De toute façon, c’est un pseudo...

         Perso, je n’ai rien contre, mais Jacques Chambon s’y oppose formellement. Il ne veut pas sacrifier son joli nom celtique à une stupide coquille. Les deux ouvrages sortent donc à un mois d’intervalle, l’un signé Anne Guduel et l’autre Anne Duguël.

         Pour rattraper le coup (et ne pas avoir l’air trop tarte), j’ai prétendu aux journalistes que c’était un choix délibéré.

         — J’adore brouiller les pistes... D’ailleurs, je vous préviens : mon prochain roman sera signé Anne Luduge !

         Ça les a fait marrer mais n’a pas empêché « Amazonie-sur-Seine » de se rétamer la gueule. Les libraires, ne le trouvant ni à « Gudule » ni à « Duguël » dans leurs listings informatiques, affirmèrent aux clients venus le commander qu’il était épuisé...

Amazonie-sur-Seine.jpg

 

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commentaires

G
Ta fille est merveilleuse !
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C
Ce que Vernon Sullivan a fait, Gudule peut le faire. Parce que c'est Gudule, aurait ajouté ma fille.
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G
Je vais finir par l'adopter, moi, ce peudo ! Il a délicieusement mauvais genre, surtout accompagnant des titres aussi délicats que "J'irai déposer des gerbes sur vos tombes" ou "Guerre et pets"!
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T
Pas vendeur? C'est à voir: question de cœur de cible. Une aventure du Poulpe, avec un titre accrocheur genre "J'irai vomir sur vos tombes" et la signature d'Anne D. Gueul, je suis sûr que ça aurait<br /> marché! (il est vrai que les lecteurs du Poulpe, étant des gens cultivés, auraient repéré l'anagramme).
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N
Je comprends mieux.<br /> <br /> La presse féminine n'est même pas bonne à servir de papier toilette pour moi et je ne regarde la télé qu'une à deux heures par semaine au maximum...
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