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13 janvier 2013 7 13 /01 /janvier /2013 05:48

Condoléances

         J’ai besoin de rire comme de respirer, c’est physiologique. Mais quelquefois, ça joue des tours. Surtout après un deuil récent.

         L’autre soir, en sortant de l’épicerie, je suis tombée sur une scène hilarante : le yorkshire de ma copine Inès en train d’enculer celui de Mme J. Comme cette dernière, indignée, tentait de les séparer, Inès s’interposa :

         — Laissez-les tranquilles, voyons ! Ils ne font rien de mal !

         Je crois qu’elle était contente de voir son toutou content. Quoi de plus légitime ?

         Mais Mme J. ne l’entendait pas de cette oreille.

         — C’est dégoûtant ! trépignait-elle. Arrête ça, Pompon ! Viens vite chez maman ! Éloigne-toi de ce sodomite !

         Le mot n’a pas plus à Inès qui a lancé, vengeresse : 

         — Si vous êtes contre le mariage gay, dites-le tout de suite !

         Bref, le ton montait, au rythme des coups de reins de Yorkshire n°1 et des halètement de Yorkshire n°2.

         Moi, je me bidonnais... jusqu’à ce qu’une troisième voisine s’approche, la mine défaite, pour me présenter ses condoléances.

         Mon rire s’est coincé dans ma gorge.

         Je me suis rarement sentie aussi ridicule.

 

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12 janvier 2013 6 12 /01 /janvier /2013 08:14

À la demande générale, voici le 121ème et dernier épisode de Zoé Borborygme (qui a bien besoin d'un peu de repos, elle aussi !)

 

Episode 121

          Résumé des chapitres précédents : Enfer et damnation ! La favorite d’Ibn-el-Zarzour vient de mettre un enfant au monde, neuf mois après avoir été lutinée par Chouchou !

 

         « Et si cet enfant était l’œuvre d’Ibn-el-Zarzour lui-même ? » tenta de se rassurer Zoé. Les vieillards ont parfois des sursauts de vigueur, après tout ! »

         Durant quelques secondes, elle se berça d’espoir, puis son bon sens reprit le dessus. Allons, allons, inutile de se leurrer. Pour l’avoir personnellement expérimenté, elle savait l’outil princier en trop piteux état pour une telle performance. D’ailleurs, l’émir ne lui avait-il pas dit : « Tu seras mon dernier amour » ? Il savait de quoi il causait, le pépère !

         Cette évidence plongea notre héroïne dans un profond abattement. Damned, tout était à recommencer ! Il allait de nouveau falloir courir le monde à la poursuite des envahisseurs. Et elle était fatiguée. Si fatiguée...

         Soudain, comme le découragement la submergeait, un déclic se produisit dans son cerveau. Et un petit souvenir en émergea, plinc ! telle une étincelle dans la nuit.

         La coupe !

         La coupe dans laquelle elle avait recueilli le sperme d’Ibn-el-Zarzour...

         «  Si ça se trouve, il a tout simplement inséminé la petite », se dit-elle, rassérénée. 

         Et, le cœur allégé d’un poids immense, elle reprit tranquillement le chemin de la BNS.

 

 

                                                        FIN

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11 janvier 2013 5 11 /01 /janvier /2013 07:47

Kennedy et moi

         22 novembre 1963. Assise dans ma chambre, je dessine. Quoi ? (ou plutôt, qui ?) Le cousin de ma copine Monique, un beau Pierre de vingt-cinq ans rencontré la veille, et qui m’a fait grosse impression. Mais, outre que je ne suis pas très douée, tracer un portrait de mémoire, ce n’est pas facile...

         Le résultat est déplorable.

         — Pfff, rien à voir : on dirait Kennedy !

         Je chiffonne l’ébauche et la jette à la poubelle quand la voix de maman éclate dans l’escalier.

         — On vient d’assassiner le président Kennedy !

         Non ?!

         Je regarde la boulette de papier avec effroi. Je n’y suis pour rien, quand même ?

 

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 20:31

Pour ceux et celles que ça amuserait, on peut télécharger à l'adresse ci-dessous la totalité des numéros de "Lard-frit", fanzine de Jean-Louis Lebreton paru au début des années 80. J'y ai fait mes premières armes dans le mini-texte d'humour... En plus, y a plein de beau monde, vous verrez !


http://www.jeanlouislebreton.com/defaut.php?LAPAGE=template9.php&PAGE=8&TEMPLATE=9&pageselect=0

lardfrit8.jpg

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 08:18

 

Hérédité chargée

           Je m'appelle Léopold Dugousset-Plancton. Lorsqu'Amélie Plancton, ma mère, belle indolente au sein pulpeux, rencontra Vladimir Dugousset, brillant intellectuel et infatigable chercheur, ils surent immédiatement que c'était pour la vie. Ces deux êtres remarquables ne pouvant engendrer qu'un rejeton d'exception, je naquis, doté du charme de l'une et des facultés cérébrales de l'autre. Confiant en ma bonne étoile, je grandis et m'installai confortablement dans la vie. Ma séduction naturelle et mes capacités professionnelles me menèrent bientôt aux faîtes de la gloire où je siège aujourd'hui, puissant quinquagénaire. Riche et aimé, je possède tout ce qu'un humain ambitionne, et cependant...

            Les Dugoussets sont énergiques mais stressés. Mon père, après une vie de labeur où il a usé sa santé, est mort, squelettique, cardiaque et aigri. Amélie, pour sa part, étant de souche molle, vieillit en légume, obèse et gâteuse.

            En moi, Planctons et Dugoussets donnent aujourd'hui leur pleine mesure. C'est le privilège de l'âge. La vraie nature des êtres ne se révèle qu'une fois le masque de la jeunesse arraché. Après un demi siècle de relative discrétion, les gènes s'exacerbent, s'hypertrophient, et la cohabitation pacifique des tendances contradictoires se détériore. Plancton, j'enfle et m'empâte à la manière d'un capaud. Dugousset, je brûle d'une ardeur ascétique. Tout lymphatisme planctonien provoque aussitôt une réaction dugoussienne d'une violence extrême, et je m'autopunis jusqu'à ce que ma maigreur reprenne le dessus. Mais bien que poussif, mon planctonisme est obstiné à la manière des baudruches. Sitôt la vigilance adverse en défaut, il redresse la tête. Et me voici gonflant, barrique sur pattes, bibendum,  tas de gélatine flasque, déployant d'ignobles replis graisseux. Réponse immédiate de mes chromosomes paternels : culpabilisé au dernier degré, je fonds, m'épuisant en régimes, exercices débridés, exploits sportifs. Et paf ! infarctus. Condamné à l'immobilité, je me ramollis illico et grossis jusqu'au prochain sursaut dugoussien.

            Ce combat me tuera, je le sais. Victime d'une incompatibilité conjugale dont mes parents n'ont jamais eu conscience — ou qu'ils ont jugulée par amour, leurs concessions mutuelles ayant fait d'eux un couple modèle —, je suis leur champ de bataille posthume. En moi, ils règlent leurs comptes, avec une virulence qui n'a d'égale que leur patience d'antan. Cinquante ans de frustrations réciproques stigmatisent ma chair et font de moi l'otage meurtri de la plus grande aberration de tous les temps : le mariage.

            Qui, d'Amélie ou de Vladimir, aura ma peau ? Lequel des deux mettra fin à mes jours, défiant l'autre jusqu'à éliminer, purement et simplement, le produit de leur fusion ? M'amplifierai-je jusqu'à l'explosion suprême, ou me décharnerai-je jusqu'au néant ? L'avenir seul me le dira. Témoin ultime, j'arbitre le match dont je suis à la fois le terrain et l'enjeu, et faute de mieux, il me passionne. « Qui préfères-tu, ton père ou ta mère ? » me demandait-on quand j'étais petit. Invariablement, je répondais la formule consacrée : « J'aime mieux la merde ». Et la merde me l'a bien rendu. 

 

 

 

 

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 06:31

 

L’HOMME QUI MOURUT CINQ FOIS

 Doit-on croire tout ce que disent les journaux ?

 

         C’est l’écrivain Mark Twain (1835-1910), qui rapporte cette curieuse histoire dans l’une de ses chroniques au Harper's Magazine.

          Le général Washington avait un domestique prénommé Georges qui, après l’avoir servi avec dévouement durant un demi siècle, lui survécut une dizaine d’années. En 1809, on put lire dans La Gazette de Boston :

           Nous déplorons le décès de Georges, le fidèle serviteur de Washington. Il avait quatre-vingt quinze ans et, malgré son grand âge, se souvenait distinctement de la seconde élection présidentielle de son maître. Avec lui, c’est un peu de la mémoire de l’Amérique qui s’en va.

           Jusque là, tout est normal. Mais en mai 1825, c’est-à-dire seize ans plus tard, un journal de Philadelphie annonce :

            Georges, le domestique favori de Washington vient de nous quitter à Macon, en Georgie, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Quelques heures avant sa mort, il évoquait encore avec lucidité la seconde élection présidentielle du général, la reddition de Cornwallis et la bataille de Trenton. Toute la population de Macon l’a accompagné dans sa dernière demeure.

            Durant une quinzaine d’années, il n’est plus question de ce curieux « revenant ». Cependant, le 25 novembre 1840, on trouve cet  entrefilet dans le Républicain de Saint-Louis :

            Georges, qui servit le général Washington durant cinq décennies, vient de mourir dans notre ville à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Il se rappelait nettement les deux élections du président, la reddition de Cornwallis, les batailles de Trenton et de Monmouth, la proclamation de la Déclaration d’Indépendance, et bien d’autres événements du plus vif intérêt. Une foule considérable suivait son cortège mortuaire.

           Quinze ans passent encore et, en 1855, un quotidien de Californie titre, à la une :

            ENCORE UN HÉROS QUI NOUS QUITTE

            Le 7 mars, à Dutch Flat, s’est éteint Georges, le vieux serviteur de Washington. Il avait quatre-vingt-quinze ans et se souvenait encore clairement des deux élections présidentielles, de la reddition de Cornwallis, des batailles de Trenton, de Monmouth et de Bunker Hill, de la proclamation de la Déclaration d’Indépendance et de la défaite de Braddock. Plus de dix mille personnes assistaient à ses obsèques

            C’est en juin 1864 que Georges meurt pour la dernière fois.

            DISPARITION D’UN ILLUSTRE SURVIVANT DE LA RÉVOLUTION, annoncent les journaux du Michigan.

           Nous avons le regret de vous faire part du décès de Georges, le fidèle serviteur de Washington. En dépit d’une santé chancelante, ce patriarche de quatre-vingt-quinze ans n’avait pas oublié les deux élections du général, la reddition de Cornwallis, les batailles de Trenton, de Monmouth et de Bunker Hill, la proclamation de la Déclaration d’Indépendance, la défaite de Braddock, les caisses de thé jetées à la mer dans le port de Boston et l’arrivée à terre des Pélerins. Son enterrement, qui a réuni plus de vingt mille personnes, a donné lieu à d’ardentes manifestations patriotiques.

           Et Mark Twain de conclure avec ironie :

           « Ce Georges est vraiment quelqu’un de remarquable. Non seulement il ne vieillit pas, mais à chacune de ses morts, sa mémoire remonte un peu plus loin dans le temps. Si l’on en croit sa dernière éloge funèbre, il se rappelait l’arrivée des Pélerins qui eut lieu en 1620, quasiment un siècle avant sa naissance. S’il revient encore, ce qui ne me surprendrait guère, sans doute aura-t-il des souvenirs très précis sur la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ! »

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 08:45

Bien que vous la connaissiez déjà, cette Solitude, en hommage à Sylvain.

 

Rêve brisé

          Durant nos premières années de vie commune, Sylvain et moi étions fauchés. Mais ce qui s’appelle fauchés, hein ! Une fois le loyer payé, il nous restait à peine de quoi acheter des nouilles chez Ed, et encore...

         Un jour, en me baladant dans un dépôt-vente du quartier, je tombe en arrêt devant un buste art-déco en plâtre, patiné façon bronze. J’ai rarement le coup de foudre pour un objet, mais cette Thaïs-là (le nom est inscrit sur le socle) me fait littéralement baver. Le problème, c’est le prix. Toutes les nouilles du mois n’y suffiraient pas, et nous ne sommes pas tentés par un jeûne prolongé...

         Je mets donc ma convoitise en berne. Mais à défaut de posséder la merveille, je prends l’habitude de lui rendre quotidiennement visite. C’est comme un rituel. A chaque fois que j’entre dans l’entrepôt, je me demande, le cœur battant, si elle sera au rendez-vous. Par chance, elle est très chère et ne trouve pas d’acquéreur.

         Ce manège dure des semaines. Parfois, Sylvain m’accompagne, parfois non. Je reste dix minutes en contemplation puis je m’en vais, pour revenir le lendemain, le ventre noué par l’inquiétude. Est-elle toujours là ?

         Hélas, tout est éphémère ici-bas. Un matin, horreur ! Plus de Thaïs...

         Tandis que je reste figée devant l’emplacement vide, Sylvain va aux nouvelles. Et apprend que, non, la statue n’a pas été vendue. La veille au soir, bousculée par un client, elle est tombée et s’est brisée.

         — Qu’avez-vous fait des morceaux ? demande-t-il.

         — On les a mis à la poubelle.

         — Je peux les prendre ?

         — Si vous voulez.         

         Sans hésiter, Sylvain se rue vers les grands conteneurs alignés dans la cour, les explore un à un. Et je le vois revenir, son trophée à la main dans un sac en plastique.

         Le temps de passer à la supérette chercher de l’araldite, et il se met au travail. Durant quarante-huit heures, il va s’atteler avec une patience d’ange à ce puzzle grandeur nature. Car si le visage, par miracle, a été épargné, les circonvolutions de la chevelure, les épaules, le drapé de la toge sont en miettes. Qu’à cela ne tienne : sans jamais s’énerver, Sylvain trie, assemble, colle entre eux des morceaux parfois microscopiques, ponce, patine, bref reconstitude si bien la statue que même un œil exercé ne verrait pas les raccords. Ainsi, au terme d’un labeur acharné, Thaïs ressuscitée prend-elle triomphalement place sur notre cheminée.

         D’où elle tombera, un mois plus tard.

         Par ma faute.

         Et surtout celle de son concepteur d’origine qui avait prévu un socle trop étroit pour son poids.

 

         Les débris sont toujours dans leur sac en plastique. Il y a plus de vingt-cinq ans qu’ils nous suivent, dans tous nos déménagements. On ne jette pas un rêve, même s’il est brisé.

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7 janvier 2013 1 07 /01 /janvier /2013 07:51

Bien que vous la connaissiez déjà, cette Solitude, en hommage à Sylvain.

 

La délicatesse

         Bon, d’accord, j’étais amoureuse, mais Sylvain partageait-il ce sentiment ? Rien n’était moins sûr.  On préparait nos émissions ensemble, on buvait des coups au troquet du coin, on discutait, on se marrait... et basta. Nos relations se bornaient à ces instants de bonne camaraderie, alors que je rêvais qu’elles se concrétisent dans un grand lit carré couvert de toile blanche lonla.

         Pour ce faire, je conçus un plan machiavélique. J’habitais en banlieue parisienne, et mon dernier train partait à 21h15. Un soir, donc, je m’attardai plus que de coutume dans le studio.

         — Oh, mon Dieu, m’écriai-je, en consultant ma montre, il est presque 22 h. Comment vais-je faire pour rentrer chez moi ?

         — Euh... si tu veux, je te paie un taxi, dit Sylvain, qui n’avait pas un rond.

         — Pas question ! Par contre, tu pourrais peut-être m’héberger ?

         À ma grande surprise, il secoua la tête.

         — Non, je n’ai pas la place... Mais ne t’inquiète pas, on va trouver une solution.

         Sans me laisser le temps de protester, il partit téléphoner et revint avec un grand sourire.

         — Mon copain Seb passe te prendre en voiture dans un quart d’heure ; la piaule de son colloc est libre pour quelques jours. Tu verras, c’est un mec sympa, toujours prêt à rendre service.         

         Supputant une méchante embrouille, je ne desserrai plus lèvres jusqu’à l’arrivée de Seb. Durant le trajet non plus. Et lorsqu’il me proposa un dernier verre, je lui répondis sèchement que j’étais fatiguée. Devant mon air rébarbatif, il s’empressa de me montrer ma chambre, la salle de bains, et s’éclipsa. Bien lui en prit : s’il avait risqué le moindre geste équivoque, je l’aurais mordu !

 

         Quand, des mois plus tard, devenue intime avec Sylvain, je lui demandai les raisons de ce plan foireux, il me répondit simplement :

         — Je ne voulais pas profiter de la situation. Tu semblais tellement perdue...

         — Et si Seb en avait profité, lui ?

         — Aucun risque, il connaissait mes sentiments pour toi.

         Que répondre à ça ?

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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 04:59

Episode 120

          Résumé des chapitres précédents : Seule contre soixante divas assoiffées de sang, Zoé ne fait pas le poids. Tant pis pour les quarante kilos de diamants qui lui reviennent de droit. Elle ne tient pas à être dépecée vive comme le malheureux Branquenstein !

 

         Ainsi notre héroïne, aussi pauvre qu’avant, reprit-elle son labeur à la BNS, en bénissant le ciel d’être toujours vivante.

         « Après tout, se répétait-elle, avec son optimisme naturel, de quoi me plaindrais-je ? Le péril extraterrestre est définitivement écarté, j’ai recouvré ma liberté et retrouvé Asia Li-Li, mon job et mes patients. N’est-ce point là la vraie richesse ? »

         Bref, elle ne pensait plus à la fortune qui lui était passée sous le nez, quand un matin...

         Zoé écoutait rarement France info. Pourquoi, ce jour-là, avait-elle allumé la radio pendant son petit déjeuner ? Une sorte d’intuition, peut-être ?

         Carnet rose, annonçait le présentateur. A plus de quatre-vingts printemps, l’émir Ibn-el-Zarzour, prince du Qatar, est papa pour la première fois. Sa favorite, la jeune princesse Aïcha, vient de lui donner un fils. Rappelons qu’en l’absence d’autres héritiers, l’enfant, au décès de son père, héritera des principales ressources pétrolifères du Moyen-Orient.

         Bien qu’en soi, la nouvelle fût plutôt réjouissante, une sonnette d’alarme retentit dans la tête de Zoé. Et, l’espace d’un éclair, une scène lui revint en mémoire : celle de Chouchou, l’organe en proue, poursuivant la princesse autour de la piscine. En frissonnant, elle effectua un rapide calcul. La chose avait eu lieu neuf mois auparavant, quasiment jour pour jour...

         — Bon sang ! frémit-elle. Il a réussi !

         Chouchou n’avait pas seulement tenté de violer Aïcha, il y était arrivé. Et il l’avait même fécondée...

                                                                                                                           (A suivre)

 

 

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1 janvier 2013 2 01 /01 /janvier /2013 03:03

Trous noirs

         Mercredi 20 février 1987, 8 heures 12, ligne Nation-porte Dauphine, station La Chapelle.

         — Regarde, dit Alice à Robert, ils recouvrent toutes les affiches.

            Les colleurs, en effet, s'activent. Armés de balais et de seaux de colle, ils placardent, morceau par morceau, de nouvelles pubs sur les précédentes.

            Robert, encore à moitié endormi, émet un grognement avant de replonger dans sa léthargie.

            À l'arrêt suivant :

         — Ici aussi, ils collent la même affiche, constate Alice.

            Le puzzle n'étant pas encore complet, impossible de savoir de quel produit il s’agit. L’image, à première vue, semble peu colorée. Beaucoup de noir, apparemment.

            En bout de ligne :

         — Tiens, ici ils ont terminé. Qu'est-ce que ça représente ?

            Des trous. Immenses. Sans le moindre texte explicatif.

         — Quelle super campagne ! s'exclame Alice. Il y en a partout. Les annonceurs ont dû casquer un max !

         Robert, toujours dans les vapes, approuve d’un signe de tête.

            Terminus. Les voyageurs descendent. De plus en plus intriguée, Alice s'approche d’une des affiches.

         — Quel réalisme ! admire-t-elle. On dirait presque un vrai !

            Elle effleure le panneau du doigt ; son index s’y s'enfonce.

         — Mais... mais... mais... C'EST UN VRAI  !

         — N'importe quoi, ricane Robert.

         — Vérifie toi-même !

            Aussi ahurissant que cela paraisse, dans chaque station de métro, douze trous gigantesques percent les murs. Tout le réseau est perforé comme un gruyère.

         —  Et ça pue, en plus ! s'effare Alice.

            Des remugles d'humeurs en décomposition émanent en effet des béances, d’où s’échappe également un faible clapotis. Une rumeur organique positivement immonde.

         — Des trous noirs ! réalise soudain Robert. Ça, c'est un coup des Irakiens. On redoutait l'arme chimique, bactériologique, atomique, que sais-je ? et ils font bien pire : ils utilisent l'anti-matière pour réduire à néant notre civilisation.

         — Je crois que je vais m'évanouir, souffle Alice, en se laissant choir sur un banc.

            L’abandonnant à son malaise, Robert parcourt le quai sur toute sa longueur en hurlant :

         — Au secours ! Les Irakiens attaquent !

         A ce mots, un vent de panique parcourt la foule, nombreuse à cette heure de pointe. Terrorisme... attentats... bombes... peut-on distinguer dans le brouhaha.

         — Les murs du métro sont piégés ! hurle Robert.

            Reflux immédiat vers les sorties. Cris, grincements de dents, sanglots, bousculade. Des voyageurs trébuchent ; on les piétine. Quelques personnes basculent dans les affiches et disparaissent, englouties — ce qui décuple la psychose. Bilan de l'opération, après intervention des pompiers, du Samu et de Police-secours : cinquante morts, deux cents blessés, un bon millier de traumatisés à vie. La nation est en état de choc.

 

            Le lendemain, comme si de rien n'était, les colleurs sont revenus. Ils ont recouvert les affiches par le second volet de la campagne. Rien que du texte, cette fois : 36 15 TROU, le minitel rose qui n'a pas peur des mots.

         — Géante, cette pub ! s'est exclamé Robert en sortant de l'hôpital. Certains concepteurs frisent le génie !

            Il a porté très vite une gerbe de fleurs sur la tombe d'Alice, puis est rentré chez lui et s'est connecté illico.

 

 

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