Rancune éternelle
Une soirée pocker chez Groucho, un copain dessinateur. Ils sont cinq autour de la table : notre hôte, sa femme Nada, Alex et un couple de journalistes. Moi, je ne joue pas. Et d’un, j’aime pas ça, et de deux, je tiens compagnie à Mélanie, âgée de quatre ans, qui s’ennuie un peu dans ce « tripot ».
Alex gagne haut la main, au grand dam de Nada qui est mauvaise perdante. L’heure tourne. Il est presque minuit quand Mélanie, à qui je raconte des histoires sur le canapé, demande d’une petite voix ensommeillée :
— On rentre à la maison, maman ?
— Je termine la partie, et on y va, répond Alex.
À ces mots, allez savoir pourquoi, Nada explose. Toute sa tension nerveuse s’évacue, d’un seul coup.
— Tais-toi, tu n’es qu’une méchante fille ! aboie-t-elle.
Sous l’agression gratuite, Mélanie fond en larme.
— Méchante ! Méchante ! trépigne Nada, hystérique.
Ce jour-là, parole d’honneur, je me suis découvert des envies de meurtre...
On s’est cassés vite fait bien fait. Je n’ai jamais revu Nada, mais je lui en veux encore, trente ans après. Et il n’y a aucune raison que ça s’arrête.