LE POGNON DE LA HONTE
— Dix-huit millards, souffle mémé Georgette.
— Dix-huit milliards de quoi ?
— D’euros. C’est le montant de la fortune de Liliane Bettencourt, la femme la plus riche d’Europe, selon le magazine américain Forbes. En 2009, elle a touché 280 millions d’euros de dividende, de la maison L’Oréal.
— Eh ben, il y en a qui se font pas chier !
— Mouais... Les milliers d’animaux sur lesquels cette même maison teste ses saloperies ne peuvent pas en dire autant !
— Ah bon ? Je croyais que l'Union Européenne interdisait l’expérimentation animale dans l'industrie cosmétique !
— Depuis l’année dernière, en principe, oui. Sur les produits finis, pas sur les composantes. En plus, les laboratoires suisses ne sont pas tenus de suivre ces directives, et comme par hasard, plusieurs filiales de L’Oréal sont domiciliées à Lausanne et à Genève !
— T’es sûre de tes informations ? Parce qu’ils ont quand même racheté Body Shop, le leader de la cosmétologie propre, et ils financent la fondation Hulot...
— Du pipeau, tout ça ! De la poudre aux yeux (des lapins) ! Une entreprise qui cote 49 milliards d’euros en bourse peut bien s’offrir, à moindre frais, une virginité de façade qui lui ouvre le marché de la bioéthique ! Quand les gentils écolos achètent, la conscience tranquille, les produits Bodyshop, c’est dans la poche de L’Oréal qu’il versent leur fric, figure-toi ! Quant à l’alibi Nicolas Hulot, on sait ce qu’il vaut... Non, ma belle, il faut regarder les choses en face : les comptes en banque de la mère Bettencourt (et des autres actionnaires-tortionnaires dans son genre) puent le sang et la souffrance. C’est l’argent du martyre. Le pognon de la honte.
— Si ce que tu dis est vrai, on se demande comment elle peut encore dormir la nuit, cette vieille peau !
— À propos de vieille peau, j’ai une suggestion : on devrait tester les produits directement sur elle, au lieu de torturer des bestioles innocentes. Qu’au moins, elle les mérite, ses dividendes de merde !
— Là, mémé, t’exagères !
— Pourquoi ? La face d’une milliardaire vaut bien des fesses de singe, non ? Tant qu’à pourrir une chair avec des cochoncetés, autant que ce soit la sienne. D’ailleurs, pour ce qu’il en reste...
— T’es carrément, ignoble, là !
— Excuse-moi, chérie, ça m’a échappé. La colère m’aveugle. J’ai dû être cobaye dans une vie antérieure...