Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 mai 2014 7 25 /05 /mai /2014 23:10

 

 

UN NOUNOURS NOMMÉ JEAN TARDIEU

 

                                  

                                  

Quand ze serai grand, ze veux être clown, annonce Grégoire.

En voilà une idée !

Comme le mari de ma maîtresse.

Rose lève les yeux au ciel.

Qu'est-ce que c'est encore que cette invention ?

En fait, ce n'en est pas une. Le mari de Lili est réellement clown, confirmation lui en est donnée par l'intéressée elle-même. Celle-ci précise qu'il est membre d'une troupe, Les Clounes — « ah ! ah ! » s'esclaffe Rose —, qui est en train de s'imposer dans le milieu du spectacle.

— Ils ne se contentent pas de faire les andouilles sur scène, explique la jeune femme aux dents de castor, mais ont un vrai discours, des sketchs structurés. À travers leurs grimaces et leurs cabrioles, ce sont les aberrations de la société qu'ils dénoncent. Vous devriez venir les voir : ils passent le 23 au théâtre Jean Tardieu, à côté de la bibliothèque.

Ça me plairait bien, dit Rose, mais…

Mais ?

Comment avouer que trois places (même deux, Olivier ne paie peut-être pas encore ; même une et demie, à la limite) grèverait lourdement son modeste budget ?

L'institutrice n'est pas idiote ; elle a compris.

— J'ai droit à quelques billets gratuits, si vous voulez en profiter…

Dans ce cas, ce sera avec plaisir.

 

Cette conversation n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Si bien que, le soir même :

— Dis bonzour à Zantadieu, serine Grégoire à son frère. 

Bredouillis incompréhensible d'Olivier.

— Zan-ta-dieu, articule Grégoire. Allez, répète après moi : Zan-ta-dieu !

Intriguée, Rose s'approche.

Qu'est-ce que tu racontes ?

         — Ze veux qu'Olivier dit bonzour à mon nounours, explique Grégoire.

— Ton nounours s'appelle Jean Tardieu ?

— Oui, comme le mari de ma maîtresse.

Rose, morte de rire :

— Le mari de ta maîtresse ne s'appelle pas Jean Tardieu, c'est le nom du théâtre où on va aller le voir. Et c'est aussi celui d'un grand poète — qui a écrit un truc très drôle, intitulé Conversation. Attends que je m’en souvienne… Comment ça va sur terre ? Ça va, ça va bien. Les petits chiens sont-ils prospères ? Mon Dieu, oui, merci bien. Et les nuages ? Ça flotte. Et les volcans ? Ça mijote. Et votre âme ? Elle est malade, le printemps était trop vert, elle a mangé trop de salade… J'ai oublié le reste.

De l'index, elle chatouille le nez de son fils aîné.

— N'empêche, je crois que tu es le seul petit garçon au monde qui ait donné un nom de poète à son nounours.

Ma parole, ça la rend toute fière !

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

P
Voilà, c'est bien à ça qu'on re"connait un fils d'écrivain !<br /> <br /> Si Grégoire avait été l'enfant d'une mécano, il aurait sans doute appelè son doudou "Jante alu" !
Répondre
G
Je me suis posé la question a posteriori.
Répondre
A
Dites donc, l'institutrice de Grégoire, c'était pas la sœur de Castor, par hasard ?
Répondre
G
- Ciel, une émeute !<br /> - Non, Sire, une révolution !
Répondre
C
Il avait qu'à pas se pencher, le cochon.<br /> LES COCUS AU BACON !
Répondre