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23 septembre 2012 7 23 /09 /septembre /2012 03:50

Les boules

         A la fin des années 80, une amie d’amis me téléphone. Elle vient de terminer un livre et cherche des tuyaux pour le faire éditer. Depuis que je publie, ces sollicitations sont quasi-quotidiennes. C’est fou, quand on y pense, le nombre de gens qui écrivent !

         On se retrouve au café d’en bas. Lucy est instit de maternelle depuis plus de vingt ans et, tout au long de sa carrière, a pris des notes. En résultent une centaine de courtes anecdotes, pétillantes et finement observées. Forte de ma propre expérience, je me dis en moi-même : « Personne n’en voudra, de son truc ; c’est trop particulier, y a pas de collections pour ». Mais bon, inutile de la décourager, d’autant qu’elle m’est très sympathique. Avec une légère condescendance, je sors mon carnet d’adresses et lui donne les coordonnées d’une demi-douzaine de maisons d’édition. Puis, hypocritement, je lui souhaite bonne chance.

         Trois semaine plus tard, elle me rappelle. Son manuscrit a été retenu par le premier éditeur de ma liste, qui veut le sortir pour la rentrée (nous sommes début juin). J’en reste sur le cul, moi qui patiente au minimum six mois avant d’être lue, et un an, voire deux, avant publication...

         Le bouquin paraît — un beau grand format, remarquablement mis en place — et bleum ! une invitation à Apostrophe. Lucy boit du petit lait : trente mille de ventes, direct,  et assez de droits d’auteur pour acheter son studio.

         C’est ce qu’on appelle toucher le jackpot.

         Allez, honnêtement, comment auriez-vous réagi à ma place ?

         Ben oui, j’ai eu les boules...


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commentaires

G
Tu me rassures : ce sentiment est donc légitime !
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C
j'ai vecu la meme chose mais en beaucoup plus petit ... et j'ai qua meme eu les boules !!! :-)
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G
@ Benoît : oh, merci !<br /> @ Tororo : tu viens de faire une parfaite synthèse du problème. D'ailleurs, mon avis concernant le texte de Lucy ne prenait pas en compte sa qualité mais les paramètres des éditeurs auxquels<br /> j'avais été confrontée (et suis toujours, d'ailleurs). Les grands moments de solitude en sont le parfait exemple : seuls quelques éditeurs sans commerciaux (mais également, hélas, sans<br /> distribution) semblent s'y intéresser. L'éditeur de Lucy, quant à lui, est décédé, après lui avoir sorti deux autres livres dans le même genre, qui ont plutôt mal marché. Elle n'a plus publié<br /> depuis.
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T
Il y a un bon et un mauvais côté à tout. Le bon côté de fréquenter les éditeurs, c'est qu'on finit par avoir un bon carnet d'adresses, et qu'après, on peut en faire profiter les copains… mais le<br /> mauvais côté, c'est qu'à trop les fréquenter, on finit par raisonner comme eux (ou du moins, par répéter ce qu'on les a entendu dire; "après tout, c'est leur métier, ils doivent savoir de quoi ils<br /> parlent, non?"). La phrase "c’est trop particulier, y a pas de collections pour" c'est typiquement une phrase d'éditeur… qui écoute trop ses commerciaux. Un commercial dira toujours: sortir le<br /> premier bouquin bouquin d'une inconnue c'est prendre un risque; sortir un bouquin qui traite d'un sujet marginal, c'est prendre un risque; le sortir sous un format atypique, c'est prendre un<br /> risque; lui accorder une grosse mise en place, c'est prendre un risque; au total, ça fait quatre risques, c'est trop. Si vous tenez à le sortir, c'est vous qui voyez, mais minimisez les risques!<br /> Faites-le rentrer tant bien que mal dans une collection existante, faites une petite mise en place, et surtout à un format classique, les bouquins qui dépassent des rayons, les libraires détestent<br /> ça!". Rien de tout ça n'est faux, mais ça fait oublier qu'en faisant ça, on maximise un autre risque, le plus redoutable, et de loin, pour une nouveauté: qu'elle soit noyée dans la masse. J'espère<br /> que Gudule a soigneusement encadré en rouge et surligné en fluo, sur son carnet d'adresse, le nom du directeur littéraire qui a si bien fait son travail pour sa copine Lucy!
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B
Je suis d'accord avec Castor Tillon... mais je pense, également, que tu as toujours donné de bons conseils et, surtout, que tu as toujours ouvert ton carnet d'adresses comme tu ouvres ton petit<br /> coeur romantique: avec une tendre qui fait que nous sommes, toutes et tous, tes fervents admirateurs...
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