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11 février 2012 6 11 /02 /février /2012 07:34

Mon âme est une porcherie

   En 1996, Frayeur s’arrête. Jean Rollin quitte le Fleuve Noir pour les éditions Florent-Massot où il crée la collection « Poche-revolver fantastique ». Après quelques publications (dont l’inoubliable « Je suis venu te dire que je suis mort » d’Olivier Ka), il se retrouve face à un épineux problème. Florent-Massot est un éditeur jeune, avec un lectorat jeune (« Baise-moi », de Virginie Despentes, fait un tabac). Or, ses auteurs à lui — hormis Olivier Ka, mais c’est l’exception qui confirme la règle — ont tous largement dépassé la quarantaine.

         — Tu comprends, m’explique-t-il, les débutants ont de bonnes idées mais manquent de savoir-faire, et les vieux, c’est l’inverse. Leurs textes sont bien écrits mais trop classiques.

         Ce genre de truc, faut pas me le dire deux fois : j’adore les défis ! Trois semaine plus tard, « Mon âme est une porcherie » trône sur son bureau. Le vocabulaire est très argotique et l’intrigue parfaitement déjantée ; c’est pile-poil ce qu’il cherche pour redorer son blason.

         Pas question de le sortir sous mon nom, bien sûr. La genèse de ce roman doit frapper les esprits. Nous mettons donc au point une jolie histoire : ce serait l’œuvre d’une certaine Julie Rivière, récemment suicidée. Son père se serait engagé, sur la tombe de son enfant morte, à le faire publier dans les plus brefs délais.

         —Le pauvre hommel pleurait en me le remettant, précise Jean Rollin, qui ne peut s’empêcher d’en rajoute une tonne. Regardez, l’encre de la couverture a coulé... N’est-ce pas pathétique ?

         La supercherie met la boîte en ébulition, tout le monde s’arrache le manuscrit et on le programme pour le printemps suivant. Hélas, en février, malgré les ventes faramineuses de « Baise-moi », l’éditeur dépose le bilan.

         Ça valait bien la peine de se donner tout ce mal...

« Mon âme est une porcherie » paraîtra l’année suivante aux Belles Lettres où Jean Rollin, ayant repris son envol, a atterri. Il inaugurera la collection « Les anges du bizarre » — sous la signature d’Anne Duguël, cette fois. D’aucuns diront que c’est mon meilleur livre.  

 

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commentaires

G
Paumés dans cette société, nous le sommes tous, hélas. Pour autant qu'on ait un minimum de sensibilité, je veux dire.<br /> En ce qui concerne la censure, je suppose que tu fais allusion à mon livre "A la folie", refusé par Gallimard. Je te rassure tout de suite : que tu abordes ce thème ou un autre pas "politiquement<br /> correct", tu devras sans doute te battre pour le publier. Mais ce combat en vaut la peine. Si tout le monde se plie au laminoir, on ne donnera plus à lier à nos enfants que des fadaises, comme<br /> celles qui sont importées par tombereaux des Etats-Unis — journal d'une princesse et autre "débilitures" pour attardées mentales. Donc, ça vaut la peine de s'obstiner, et de frapper à toutes les<br /> portes. La plupart de mes livres (hormis les commandes) ont été au moins une fois refusés par un éditeur, avant d'être acceptés par un autre. Et ça continue, malgré mes quelque trente ans de<br /> métier. Mon plus gros succès, "La Bibliothécaire", écrit à l'origine pour Pocket, m'a valu cette remarque consternée d'un éditeur aujourd'hui disparu : "Mais ma pauvre Gudule, t'as vraiment rien<br /> compris". Accepté par la suite chez Hachette, il a largement dépassé le million d'exemplaires, aujourd'hui. Comme quoi, ne te laisse pas décourager, il y a toujours de l'espoir !
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A
Bonsoir,<br /> <br /> je viens à vous en jeune ignorant et naïf qui prends la vie comme elle va. Je reconnais tout d'abord n'avoir pas souvenir d'avoir lu aucun de vos ouvrages, mais je suis votre blog un petit moment<br /> déjà et, si je prends du plaisir à le lire, j'en tire quelques enseignements.<br /> <br /> Je me lance dans les commentaires dans ce billet car il m'a interpellé. A mes heures perdues, et à celles que je retrouve, je me consacre à l'écriture également. Ce n'est pas forcément un travail<br /> bien sérieux ni aussi poussé que peut l'être le votre car ma vie d'étudiant ne me donne guerre le loisir de m'y pencher plus. Mais là n'est pas la question.<br /> <br /> Dans votre poste, vous parlez justement de la censure, d'après le titre, et du traitement de la maladie mentale dans votre livre. De mon côté, j'ai un projet d'écriture, qui dans ma tête aboutit à<br /> un livre, qui en parle également, bien que dans mon cas ce soit une enfant qui soit une malade mentale (j'ai imaginé une forme poussée d'autisme avec un profond retard dans les capacités cognitives<br /> du personnage). En lisant votre poste, j'ai eu peur, je le reconnais... Et du coup, je me demandais ce que je devais faire de ce projet. S'il est voué à la censure, moins brutale que la votre je<br /> l'espère, est-il utile de le poursuivre ? Ne vais-je pas bâtir un immeuble sur un terrain que l'on m'annoncera impropre à la construction ?<br /> <br /> D'un côté je n'ai aucune envie de me laisser faire par la censure, et j'aimerai poursuivre ce projet, mais je me demande vraiment si cela en vaut la peine... .<br /> <br /> Je tacherai de me rattraper quant à la lecture de vos oeuvres et continuerai à suivre votre blog.<br /> <br /> Bonne soirée de la part d'un étudiant paumé dans la société :)
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G
Ma petite histoire de demain t'amusera donc tout particulièrement, puisque tu as vu le film !<br /> Sinon, voici le lien de "Jean Rollin, le rêveur égaré", très beau film réalisé sur lui : http://www.dailymotion.com/video/x678fb_jean-rollin-le-reveur-egare-teaser_shortfilms
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C
En effet, je ne suis pas sur fb. Merci pour le lien !<br /> Jean Rollin a l'air d'un homme tout-à-fait adorable, c'est un plaisir, cette vidéo. Je vais aller regarder la 2è partie sur Youtube.<br /> Les deux orphelines vampires, didonc, je l'ai vu au moins trois fois !
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G
Voilà le lien : http://gudule.over-blog.com/article-hommage-a-jean-rollin-63473231.html
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