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2 janvier 2014 4 02 /01 /janvier /2014 00:02

 

 

                                 LA MER QU’ON VOIT DANSER

 

— Demain, on va el balèch* ? suggère Amir dans un bâillement de bien-être.

Rose approuve avec enthousiasme. Elle raffole de ces dimanches à crapahuter sur les falaises, à la recherche de petites criques solitaires. C'est qu'au Liban, quasiment toutes les plages sont privées ! Le front de mer est annexé par les clubs nautiques, les hôtels et les restaurants. Ne restent, aux péquenauds qui veulent se baigner gratis, que de minuscules enclaves rocheuses dont la difficulté d'accès entrave l'exploitation.

Bon, je préviens Rachad et Omane. Départ à six heures ?

Oh non, c'est bien trop tôt…

— Disons six heures et demie. Tu prépares le piquenique pendant je passe chez eux ?

L'enjeu consiste à arriver les premiers, avant que les calanques ne soient prises d'assaut. Car chaque week-end, c'est le rush sur ces rares coins de nature encore sauvages, et les lève-tard en sont réduits, soit à s'incruster auprès de baigneurs déjà en place — ce qui crée de part et d'autre les tensions que l'on devine —, soit à se rabattre sur un endroit payant.

Tout en regardant s'éloigner son mari, Rose se livre à un rapide calcul : combien peut-on faire de sandwiches avec une demi boîte de thon, trois tomates et un fond de mayonnaise ? 

­— Si au moins j'avais pensé à racheter du pain, se morigène-t-elle.

                À tout hasard elle inspecte le frigo, mais n'y dégote, en plus de l'affligeant inventaire, qu'un yaourt entamé et un tube de sauce tomate en bout de course. Tandis qu'elle aligne, perplexe, les minables denrées sur la table, Amir revient.

              — Omane prépare des samboussèks* pour tout le monde, claironne-t-il.

Soupir de soulagement de Rose. Une belle-sœur que rien, jamais, ne prend au dépourvu est, décidément, un cadeau du ciel.

— Celle-là, si elle n'existait pas, il faudrait l'inventer, affirme-t-elle avec conviction.

 

 

                                * El-balèch : "le gratuit" (par opposition aux bains de mer payants)

* Samboussèks : petits chaussons de pâte feuilletée fourrés d'épinard et de pignons de pin.

 

 

 

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commentaires

G
Hi hi... Détrompe-toi, y a plein de cuisinomanes, au Liban. mâles, en général. Et punaise, c'que c'est bon !
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P
Mouais, j'aurais p't'être pas du le reposter en fait !! :))
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P
(Ben oui, j'avais écrit un truc débile du genre "ben la cuisine Omane, c'est rare, surtout au Liban -_-)
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P
Bon, hier j'ai pourtant cliqué comme une tarée sur le carré "publier votre commentaire" (cinq fois, au moins) jusqu'à ce que le site plante.<br /> J'ai eu un peu peur d'y être pour quelque chose (ben oui, Castor te confirmera que j'ai des antécédents, en matière de destruction inter-pas nette )... Je suis donc bien soulagée de voir ta page<br /> ouverte et aussi, de ne pas voir mon comm débile affiché cinq fois !!
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R
Sûr que les samboussèks (bien qu'ils puissent se prêter à de déplorables jeux de mots que ma mère m'a interdit de proférer ici) présentent des avantages certains sur le pop-corn. La pâte feuilletée<br /> fout des miettes partout mais c'est pas grave en plein air, ça profite aux oiseaux (ceux qui n'ont pas été mis en cage pour égayer les plages privées).
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