Spermu
Vous vous souvenez de Freddy, le chien défiguré ? Il avait une autre caractéristique, liée, selon moi, à son traumatisme : il était atteint de priapisme aigu. La moindre émotion, la plus petite contrariété lui provoquaient d’incroyables érections. Afin de le soulager, Mélanie, bonne fille, lui préta son nounours favori, dont il s’empressa d’user et d’abuser. Informe, malodorante mais follement aimée, la malheureuse peluche — que nous avions surnommée Spermu — lui devint très vite indispensable. Il la traînait partout avec lui, et à tout bout de champ, lui rendait de vigoureux hommages, de préférence en public.
Nous prévenions nos invités qui, ma foi, trouvaient la chose plutôt divertissante. Ceux qu’elle gênait détournaient pudiquement les yeux et haussaient le ton pour couvrir ses halètements, mais ils étaient rares. Nous fréquentions assez peu de puritains, dans l’ensemble.
Jean Rollin, qui pourtant préférait les chats, trouvait ce spectacle irrésistible. Avec sa gueule cramée, ses grandes oreilles de chauve-souris et sa frénésie sexuelle, Freddy ne pouvait que le séduire ! Aussi, un jour, décida-t-il de le filmer en pleine action, afin d’agrémenter le générique de son prochain film. Il fit venir son équipe — cameraman, éclairagiste, preneur de son — et l’on mit l’animal sous le feu des projecteurs.
Eh bien, vous me croirez si vous voulez, il ne voulut jamais s’exécuter. Impressionné par tout ce monde, il se cacha en tremblant sous le pull de Mélanie et ne regarda même pas Spermu, qu’elle lui tendait. Après plusieurs tentatives infructueuses, l’équipe dut remballer son matériel et repartir bredouille, au grand dam de Jean, pas content du tout.
Le calme à peine revenu, Freddy sauta sur son nounours et rlan, rlan, s’en donna à cœur joie. C’est qu’il avait une grosse angoisse à évacuer, pauvre bête !
— Tu ne deviendra jamais vedette de cinéma X, lui dit gentiment Mélanie.
Eh ! L’exhibitionnisme a ses limites !