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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 06:35

Chapitre 22

 Résumé des chapitres précédents : Nora, se sentant intruse, a faussé compagnie à Boris et sa troupe. On a sa fierté, tout de même ! 

 

         Si Nora espérait que Charlie la rejoigne, elle en est pour ses frais. Parvenue au rez-de-chaussée, elle s'arrête, guettant, le cœur battant, le bruit d'un porte qui claque, d'une course dans l'escalier. La minuterie s'éteint ; elle continue à tendre l'oreille dans le noir.

         En vain.

         Charlie, son Charlie, l'a jetée. Comme un vieille chaussette, ni plus ni moins — de celles qui, d'ordinaire, vont par paire, et qu'on bazarde une fois dépareillées. C'était ça ou compromettre son avenir. Les hommes sont tous des pourritures.

         Elle s'assied sur la première marche, se raisonne :

         « Il ne t'a pas jetée, banane, il t'a laissée prendre le large, nuance ! » 

         Et pour commencer, a-t-il entendu ce qu'a dit Boris ? Sûrement pas, il se serait interposé. « C'est nous deux ou personne », aurait-il décrété. Ça, ça ne fait pas un pli !

         « Non, il a dû penser que l'initiative venait de moi. Que j'avais peur de m'emmerder — ou de boire — et que je préférais aller me promener. C'est pas un crime, quand même, de respecter la liberté d'autrui ! » 

         D'un bond, elle se relève.

         « Bon, d'accord, t'as gagné. J'y vais, me promener, t'es content, maintenant ? Où y a-t-il un troquet d'ouvert, à cette heure ? » 

         Elle fouille les poches de son blouson — un billet de dix euros, il y a un bon dieu pour les délaissées — et, toute raide (pour autant que son déhanchement le lui permette), remonte en direction du boulevard Saint-Michel.

                                                                                                                                  (A suivre)

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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 07:32

Chapitre 21

Résumé des chapitres précédents : tout baigne, pour Charlie. Il va rencontrer futurs ses collègues, les deux autres membres de la troupe de Boris. Et, bien entendu, Nora l’accompagne.

 

         — Tiens ? s'étonne Boris. Tu es venue aussi ?

         Courant d'air glacé dans les veines de Nora.

         — Charlie et moi, c'est comme les chaussettes, on marche toujours par paire ! persifle-t-elle, sur la défensive.

         La vanne ne déride pas son hôte. Mieux : il l'ignore. La balaie d'un revers de main.

         — On a du boulot, précise-t-il sèchement.

         Le message est clair : tu déranges, cocotte. Nora perd contenance. Elle s'est mise sur son trente-et-un, rimmel, blush, rouge à lèvres, plus une broche héritée de sa grand-mère — et qu'elle ne sort que dans les grandes occasions —, agrafée au revers du blouson. Il pourrait en tenir compte, ce sagouin !

         — Mais..., hasarde-t-elle, à court d'arguments.

         — Enfin, puisque tu es là, entre quand même, soupire Boris, en s’effaçant pour la laisser passer.

         Charlie, étranger au drame qui se joue sur le paillasson, les a précédés dans l'appartement. Il salue déjà les autres convives. Des « bonsoir », « ravi de te connaître », « j'ai beaucoup aimé ton dernier spectacle », s'échangent en sourdine.

         Un haut-le-corps soulève Nora.

         — Non, non, s'entend-elle protester. En fait, j'étais juste venue conduire Charlie. Je... j'ai rencard avec des amis.

         Les mains en porte-voix, elle crie :

         — Chéri, je me sauve !

         — De quoi ? sursaute Charlie.

         — Anne m'attend, j'y vais !

         Charlie, ahuri, s'arrache aux mains tendues, se rue sur le palier. Mais elle est déjà à l'étage en dessous.

         — Nora ? NORA ?!

         Il reste un moment, penché sur la rampe, à écouter décroître son pas inégal, puis fait volte-face et, l'air préoccupé, regagne le salon.

                                                                                                                                   (A suivre)

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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 07:07

Chapitre 20

Résumé des chapitres précédents : Tandis que les deux clowns discutent à qui mieux mieux, Nora, qui se sent de trop, picole.

 

         — ... et bosser à plusieurs développe la modestie !

         Boris martèle ces mots avec une sorte d'emphase qui éblouit Nora — d'autant que, d'où elle est, elle l'aperçoit de profil, éclairé à l'arrière par une pâte de verre d'un bleu irréel.

         « Ce que ça lui va bien, ce rôle de laeder nimbé d'azur ! Il serait parfait dans un film sur la Révolution russe, en aristocrate anarchiste, par exemple. On dirait Samy Frey avec trente ans de moins. Ce front têtu, cet air mauvais... Je suis sûre que c'est une teigne qui ne fait pas de concessions, le genre à se laisse tuer plutôt que d'admettre ses torts. Charlie va dérouiller, avec cet animal ! »  

         Elle ricane, presque contente. Quand on a une sale bête exigente sur le dos, on se remue, on progresse.

         « Ça le changera de moi, qui lui fous une paix royale... »  

         Mine de rien, il est plus de minuit. Boris donne des signes de fatigue. Charlie bâille. Seule Nora pète la forme : l'alcool la dope, et elle a dormi tout l'après midi. Mais elle aimerait autant poursuivre la fête ailleurs. Au lit, genre...

         — On rentre ? suggère-t-elle, mise en appétit par la perspective du roulé-boulé conjugal.

         Les deux hommes approuvent d'un commun accord. Demain est un jour important, la première prise de contact de la troupe. Ils ont donc intérêt à être frais et dispos.

         S’étant esquivés avec les courbettes d'usage, Charlie et Nora se retrouvent dans la rue.

         Paris la nuit, ô merveille, surtout l'été. Trottoirs désert dont les lampadaires gomment tout relief, rares voitures, façades sourdes, muettes, aveugles. Un décor de polar. Ou, à la rigueur, de film d'amour.

         — Ce soir, je préfère le X ! annonce Nora, avant de s'engouffrer dans la 4L.

         Sous la lueur du plafonnier, la moustache de Charlie a des reflets de cuivre.

         — « Qui s'y frotte s'y pique », ronronne la jeune femme.

         Ce qu'elle s'empresse de faire avec délectation.

         — Arrête, t'es bourrée ! la rabroue doucement son homme.

         Et elle, graveleuse :

         — Bourre donc la bourrée, joli laboureur ! 

         — Demain, interdiction de picoler, t'entends ? T’as vu dans quel état ça te met ? Et avec tes médocs, c’est pas recommandé, je te signale.

         Elle promet, pliée de rire.

                                                                                                                (A suivre)

 

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26 février 2013 2 26 /02 /février /2013 07:16

Chapitre 19

Résumé des chapitres précédents : La discussion entre Charlie et Boris bat son plein. Ces deux-là s’entendent comme larrons en foire ! Nora, un peu larguée, les écoute en sirotant son coktail.

 

         — Et Flip, il est comment ? s'enquiert Charlie.

         — Excellent. C'est un touche-à-tout, comme toi. Tu lui mets n'importe quel objet entre les pattes, il te pond instantanément un sketch. Et le public se tord.

         — Son look ?

         — Rappeur flemmard.

         — Pas très original...

         — Si, justement. Oublie la tripotée de petits branleurs qui sévissent à la télé, si c'est à ça que tu fais allusion. Chez lui, le survêt et la casquette prennent une dimension, comment dire ? mystique.

         — Rien que ça ! 

         — Tu verras... Il passe essentiellement dans les maisons de jeunes, et à chaque fois, les racailles lui font un triomphe. Ils se reconnaissent en lui, s'identifient...

         — Et les médias ne s'en sont jamais emparés ?

         Haussement d'épaules fataliste de Boris.

         — Son heure n'était pas venue, faut croire. Tant mieux pour nous.

         — À côté de lui, je vais faire figure de vieux con, moi, avec mon nez rouge...

         — Penses-tu ! Les valeurs sûres, ça marche toujours. D'autant que « l'humour naît des contrastes », comme on dit.

         Nora s'esclaffe. Détournement de proverbe, elle adore ! Avec la sensation violemment jouissive de montrer ses fesses à sa mère, elle claironne, à contre-temps :

         — Et la bite ne fait pas le moine !

         Un double regard consterné la ramène sur terre (ou plutôt, la fait rentrer sous). 

         — Oups, pardon, bredouille-t-elle. Ça m'a échappé.

         — Fais pas attention, elle tient pas l'alcool, souffle Charlie à Boris.

         D'un geste désinvolte, ce dernier relativise.

         — Dans une équipe comme la nôtre, il faut une base traditionnelle pour ne pas effaroucher le public, poursuit-il sans sourcilier. D'ailleurs, moi-même... 

         — C'est vrai que tu es assez classique, admet Charlie.

         — De toute façon, s'il y a des choses à améliorer, c'est la confrontation de nos quatre personnalités qui en décidera. Et les nécessités du spectacle. Bosser à plusieurs développe la modestie.

                                                                                                                           (A suivre)

 

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25 février 2013 1 25 /02 /février /2013 06:30

Chapitre 18

 Résumé des chapitres précédents : Une inquiétude furtive étreint Nora. Sous l’influence de Boris, Charlie n’est pas en train de s’éloigner d’elle ?

 

         Le bord du verre est ourlé de sucre. Nora le lèche consciencieusement avant de boire. Mais ce qui s'appelle boire, hein, hop, en trois traits ! Le liquide sirupeux imprègne ses papilles, lui brûle la gorge et, subitement, son corps s'allège. La voici en apesanteur.

         Elle suit la conversation de là-haut. Attentive — très ! — mais un peu hors champ.

         Boris explique dans les grandes lignes le fonctionnement de la future troupe. Ça fait des semaines qu'il y réfléchit, il a tout mis au point avec une minutie d'horloger. Charlie écoute, approuve, réclame des précisions, discute un point de détail. Fait des propositions sur lesquelles Boris rebondit.

         « Un vrai numéro de duettiste, admire Nora, bluffée. Ils l'ont répété avant de venir ou quoi ? Parce que, si c'est de l'impro, chapeau, ils sont doués ! » 

         Elle se retient d'applaudir par un reste de décence, puis, tant qu'à se balader dans l'espace, observe ce qui l'entoure.

         En-dehors des fauteuils et d'une grande table ancienne, le duplex est très peu meublé. 

         «  Sobriété fait beauté », énonce-t-elle pour elle-même. (Sa mère l'a élevée à coups de maximes.)

         Sur le carrelage de terre cuite, un tapis afghan dont les arabesque rubis s'entrelacent à l'infini. Aux murs, quelques tableaux contemporains. Originaux ou reproductions ? Vu le climat du lieu, la première hypothèse semble la plus plausible. Sortant des haut-parleurs microscopiques dissimulés ici et là, une musique planante. Dead can danse, ou un truc de ce genre. Une certaine idée de la perfection, quoi. Bravo, l'accessoiriste !

                                                                                                                                 (A suivre)

 

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24 février 2013 7 24 /02 /février /2013 06:35

Chapitre 17

Résumé des chapitres précédents : le rêve de Charlie et Nora se concrétise. Ils sont dans l’appartement de leur idole.

 

         Tandis que Boris disparaît dans la cuisine, Nora s'assied du bout des fesses.

         « Qu'est-ce qui m'arrive ? s’étonne-t-elle. Je me sens aussi mal que dans la salle d'attente du dentiste. Est-ce l'atmosphère de cet apparte qui m'impressionne ? Ou alors, son propriétaire ? Il a une telle manière hautaine de vous recevoir. On se sent intrus. Pourtant, c'est bien lui qui nous a invités, non ? »

         Elle soupire, oppressée. Charlie, en revanche, semble on ne peut plus à l'aise.

         « Le traître ! » pense Nora — puis elle se demande pourquoi elle ressent ça.

         Réponse immédiate : il se désolidarise. Le pacte tacite qui les lie depuis l'enfance stipule clairement que, toujours, partout et en toute circonstance, ils doivent éprouver la même chose. Et c'était le cas jusqu'aujourd'hui.

         Quoique.

         Non, à la réflexion, ce n'est pas la première fois qu'elle reste en rade. L'autre soir, déjà, avec Boris...

         Cette constatation l'atterre.

         Lui mouline la tripe.

         Au secours.

         Sa main rampe lentement, doigt après doigt, sur l'accoudoir. Franchit, d'un bond, le précipice séparant les fauteuils. Atterrit sur celui de Charlie, rampe encore, jusqu'au coude pointu. Le gratouille de l'index. La main de Charlie empaume cette main qui le sollicite. Et l'univers retrouve sa plénitude.

         Revoilà Boris, chargé d'un plateau où sont posés trois verres et le bac à glace.

         — Oh, c'est joli, ces strates de couleur ! s'écrie Nora.

         —  N'est-ce pas ? Curaçao, gin, grenadine.

         — Bleu, blanc, rouge... Ça vous a un petit côté patriotique, plaisante Charlie.

         — Bien involontaire. Goûtez, et vous m'en direz des nouvelles !

                                                                                                                              (A suivre)

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23 février 2013 6 23 /02 /février /2013 05:40

Chapitre 16

Résumé des chapitres précédents : Charlie vit un véritable conte de fées. Le célèbre Boris veut l’engager dans sa troupe, lui, l’obscur petit clown de province...

 

         Vingt-deux heures tapantes, devant un très bel immeuble début de siècle, rue Galande.

         — 72, c'est ici, dit Nora. T’as le code ?

         — Tu parles, sourit Charlie. Je l’ai appris par cœur !

         Le portail s'ouvre sur une cour majestueuse et remarquablement entretenue.

         — Escalier A.

         Les marches sont de chêne sombre, incurvées au milieu. Éclairant chaque palier, des vitraux en ogive.

         — La classe, hein, admire Nora.

         — À la lumière du jour, ça doit donner une de ces ambiances !

         Quatrième, gauche. Pas de nom sur la porte. Charlie et Nora se consultent du regard.

         — T'es sûr de l'étage ?

         — Ben ouais.

         Impavide, Nora appuye sur la sonnette. Il faut savoir vivre dangereusement.

         Gagné ! C'est Boris qui ouvre.

         « Toujours aussi beau », pense-t-elle, en reculant d'un pas, comme sous l'effet d'une clarté trop vive.

         Charlie en profite pour passer devant elle.

         — Salut !

         — Bonsoir, dit Boris, en s'effaçant. Entrez donc.

         Un vaste duplex, pierres et poutres apparentes. Charlie émet un petit sifflement.

         — Les affaires marchent, dis donc ! Ça doit valoir la peau du cul, cette merveille !

         — Installez-vous, élude Boris en désignant quatre fauteuils-club en vis-à-vis. Vous prenez quelque chose ?

         — Volontiers.

         — Scoth ? Vodka ? Je prépare un très bon coktail, à base de gin et de citron vert...

         — Va pour moi.

         — Pour moi aussi.

                                                                                                                         (A suivre)

 

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22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 06:38

Chapitre 15

Résumé des chapitres précédents : Charlie et Nora, provinciaux joyeux et fusionnels, montent à Paris, à la demande du célèbre clown Boris.

 

         À peine six heures de route et la porte d'Italie est en vue. Honorable, comme moyenne ! Une chance : pour rejoindre le  XIIIème, pas besoin de traverser Paris.

         Le studio d'Anne est situé le long des voies de la gare d'Austerlitz, rue du Chevaleret. Un cinquième sans ascenseur, mais le jeu en vaut la chandelle : de là-haut, on a une vue imprenable sur le pont de Tolbiac, les enchevêtrements complexes du réseau SNCF, et plus loin, la Seine. En toile de fond, les entrepôts de Bercy, les Mercuriales de Bagnolet et, sur l'extrême-droite, en se penchant un peu, un bout du Sacré-Cœur. Le tout découpé sur un ciel d'une clarté aveuglante.

         Accueillant, ce petit nid, malgré le manque de confort ! Difficilement habitable à long terme, mais parfait pour un breack. Quelques bouquins, des palmiers en plastique, un hamac... 

         — Décidément, constate Charlie, ta frangine ne s'est jamais remise de son voyage à l'ïle Maurice. 

         Nora ne répond pas. Elle jauge la solidité dudit hamac, suspendu à des pitons ancrés dans le mur.

         — Ça m’a l'air confortable.

         Anne a soigneusement étudié l'emplacement pour que le soleil donne en plein dedans.

         — On peut bronzer à poil.

         Tandis qu'elle se désape, Charlie farfouille dans la bibliothèque.

         — Nom d'un chien, un vieux Jack London ! Je lisais ça quand j'étais môme.

         Il se laisse choir sur un tas de coussins, près de la fenêtre.

         — Je n'y suis pour personne. 

         L'après-midi débute à peine. Jusqu'au soir, ils vont se perdre, lui dans son roman, elle, dans un balancement hypnotique. Ils en oublieront le boire et le manger, et n'émergeront qu'à la nuit tombée, lui des blizzards du Grand Nord, elle des somnolences tropicales, en proie à une fringale de tous les diables. 

         — Toi qui connais le quartier, y a un fast-food dans le coin ? interroge Charlie, abandonnant bivouac, traîneaux et chiens. Je me taperais bien un double-cheese.

         Nora saute du hamac, réenfile, en quelques contorsions, son jean légèrement trop étroit.

         — Moi, un Bigburger, avec une tonne de ketchup et des frites.

         Voilà que ne va pas arranger les choses !

                                                                                                                 (A suivre)

 

 

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21 février 2013 4 21 /02 /février /2013 07:35

Chapitre 14

 Résumé des chapitres précédents : Charlie et Nora sont en route pour Paris, où le célèbre clown Boris a convoqué Charlie.

 

         Voyage sans histoire. La 4L tient encore le coup, brave Titine, malgré son grand âge. Sur l'autoroute, ses performances ne dépassent pas le soixante, pied au plancher, mais comme dirait maman, « Chi va piano va sano ».  Nora, en pleine forme, serine depuis des heures la même rengaine stupide : De toutes les matières, c'est la ouate que je préfère !  en la distordant dans tous les sens et en l'agrémentant de trémolos de son cru.

         — T'as rien de plus récent ? grommelle Charlie.

         De plus récent ? Ils n'ont ni télé, ni radio, ni ordinateur, ni lecteur de CD. Juste un vieux magneto de récup' et les cassettes qui vont avec.

         — Qu'est-ce que tu veux que je te chante ? Petit papa Noël ?

         — Par exemple, tiens, c'est de saison !

         Le soleil étant de la partie — comme prévu par la météo —, ils roulent vitres baissées.

         — Sens-moi ce fabuleux parfum de gazoil, rigole Charlie, en crachant son chewing-gum sur la route pour en reprendre un neuf aussitôt.

         — Si tu cessais trente seconde de mâchouiller ? l'invective Nora. Depuis que t'as arrêté de fumer, t'es devenu un vrai ruminant.

         — Tu préférerais que je chope un cancer ?

         — Non... mais je te signale que l'abus de chewing-gum donne de l'aérophagie.

         — Bah, les fenêtres sont ouvertes.

         — Très délicat !

         En représailles, elle retire ses chaussures et pose ses pieds nus sur le tableau de bord. Il a horreur de ça !

         — Au moindre choc, tu te ratatinerais comme un accordéon.

         — T'as qu'à conduire prudemment. Ma grand-mère disait que c'était le meilleur moyen d'éviter les varices.

         — L'accordéon ?

         — Non, les jambes en l'air.

         Gloussement de Charlie.

         — Alors, tu ne risque rien, rassure-toi. C’est ta position favorite, si je ne m’abuse...  

         — Très drôle ! T'en as encore beaucoup en réserve, des comme ça ?

         — Plein. C'est mon métier, de faire rire, je te signale.

         — Alors, t'aurais intérêt à renouveler ton répertoire : ça n'amuse plus personne, ce genre de vanne ringarde. Mon père n'aurait pas fait mieux.

         — Moi, mes vannes, toi, tes chansons... On est des has been, de toute façon.

         — À vingt-cinq ans, ça craint !

         — Nous sommes les dignes représentants de la France profonde, mémère. (Voix tremblottante à la Michel Simon). Gaffe, la capitale, les provinciaux débarquent !

                                                                                                                    (A suivre)

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20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 07:02

Chapitre 13

Résumé des chapitres précédents : Une nouvelle vie se profile à l’horizon, pour Charlie et Nora. Le célèbre clown Boris veut prendre Charlie dans sa troupe.

 

         — Allo, Anne ?

         Exclamation de surprise au bout du fil : la petite ! Il y a au moins six mois qu'elle n'avait pas donné de nouvelles. Qu'est-ce que tu deviens, ma chérie ?

         — Un truc génial nous tombe dessus, je t'expliquerai. Ton studio du XIIIème est toujours libre ?

         Il est. Inlouable, ce taudis.

         — On peut s'y installer deux ou trois jours, avec Charlie ?

         No problemo. Y a pas l'eau, la cage d'escalier est en réfection, les chiottes du palier insalubres, mais c'est quand vous voulez.

         — Je laisse la clé à votre disposition chez la concierge.

         — Génial ! T'es un chou, on arrive après-demain.

         Sur le chemin du retour.

         — Il ne nous reste plus qu'à préparer nos bagages, gazouille Nora.

         — Comment on fait, pour les bêtes ?

         — Je demanderai à Marie-Jeanne de s'en occuper.

         — Rappelle-moi de remplir l'abreuvoir du poney, avant de partir.

         — OK. Faudra aussi penser à arroser : les tomates commencent à sortir.

         Ils rient sans raison. Des enfants  à la veille des vacances. La bouche de Nora, quoique sans maquillage, est d'un rouge obscène.

         Charlie l'enlace, la presse contre lui.

         — Je bande, avoue-t-il humblement.

         Et elle, du tac au tac :

         — Ça tombe à pic, j’ai un p’tit creux !

         Comme quoi, un bonheur n’arrive jamais seul...

                                                                                                             (A suivre)

 

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